Résumé
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L'essentiel à retenir

Le tabou des premiers mois de grossesse en entreprise : un constat alarmant

L'espace professionnel, au même titre que l'espace public, doit prendre en compte la réalité des 3 premiers mois de grossesse et s'adapter à ce phénomène de société encore tabou.

Retour sur notre live lors duquel nous avons abordé les solutions possibles avec Judith Aquien, autrice de Trois mois sous silence : le tabou de la condition des femmes en début de grossesse”, aux éditions Payot-Rivages et directrice éditoriale chez Chance, Amélie Prevot, responsable des ressources humaines, spécialisée dans le recrutement et le développement des talents et Anaïs Pirajean de Chance.

Judith Aquien confie : “J’ai écrit le livre parce que j’ai vécu tout ça. D’abord une fausse couche puis une grossesse. En le vivant, je me suis aperçue du décalage fou entre l’ampleur de ce que je vivais et l’absence sidérale de dispositif pour pallier ce que je traversais. Rien ne décrit correctement ce qu’on traverse : symptômes très éprouvants physiquement, nausées, vomissements, aucune information ni éducation.

À cause du risque de fausse couche, les couples sont incités à se taire les trois premiers mois d’une grossesse. Par peur des discriminations, par appréhension des phrases qui, l’air de rien, représente des violences et par absence de dispositif, les femmes préfèrent passer sous silence leur condition les trois premiers mois et se cacher pour vivre les symptômes liés à leur grossesse.

Judith Aquien déplore : “Je ne connais pas une femme qui ne se soit pas réfugiée aux toilettes de son entreprise pour pouvoir dormir 5 minutes. On se fait même la blague entre femmes comme si c’était un rituel de passage rigolo  : “Ah toi aussi tu as fait un power nap sur les toilettes du bureau ?” alors que c’est d’une violence incroyable. On ne peut pas intégrer ça comme marrant. Ce n’est vraiment pas marrant.

Souvent, les femmes se taisent par peur du jugement des autres - de leur manager, de leurs collègues - dont elles se prémunissent aussi longtemps que possible alors que c’est précisément une période où elles auraient besoin d’un espace pour se sentir en sécurité. Amélie Prevot invite la société à changer de regard.

L’enjeu sociétal est de s’organiser pour intégrer la question du début de la grossesse dans des actions positives à mettre en place en faveur de la dignité féminine.

Le tabou de la fausse couche : la loi du silence

Judith rappelle qu’en France, on estime à 200 000 le nombre de fausses couches par an. Au début d’une grossesse, les parents se projettent dans l’arrivée du bébé. Lorsque la grossesse s’arrête, cela engendre des douleurs physiques et psychologiques.

En Nouvelle-Zélande, un congé payé en cas de fausse couche a été voté et il concerne les 2 parents, car, comme le dit Amélie Prevot "redonner place au corps des femmes dans l’entreprise ne veut pas dire disqualifier les hommes. Quand on fait face à une fausse couche ou un projet bébé arrêté, deux personnes sont concernées”.
La Nouvelle-Zélande reconnaît que c’est un moment de deuil lors duquel les deux personnes concernées doivent avoir la possibilité d’être reconnues dans la spécificité de leur expérience.

En France, aucun dispositif légal n’est mis en place et le sujet de la fausse couche reste tabou. Le corps de la femme enceinte est mis à disposition des commentaires publics par méconnaissance du sujet, et les femmes ont à cœur de s’en protéger. Car aujourd’hui, lorsqu’une femme annonce sa fausse couche, la réalité est qu’elle s’expose à des risques (licenciement, fin de sa période d’essai…) et des remarques discriminatoires.

Amélie Prevot engage à mettre en place des mesures concrètes au sein de l’entreprise car elle rappelle que “les gens sont plus investis dans leur travail si on leur propose des solutions”.

Accompagner les premiers mois de grossesse : des solutions concrètes

L’annonce de la grossesse doit pouvoir être déclarée à son entreprise dès le début, dans un cadre confidentiel, qui permet d’aménager le poste le plus rapidement possible. Cela permettra de prendre en compte la gestion de la fatigue, des symptômes physiques, des rendez-vous de suivi, plus sereinement.

1- Le télétravail pour un cadre sécurisant

La première mesure simple est d’assouplir les règles de télétravail. En accédant au télétravail, avec la possibilité de faire une sieste, de prendre soin de ses symptômes physiques (vomissements, constipation…) à l’abri du regard des autres, la femme enceinte peut être accompagnée, protégée, en sécurité tout en poursuivant sa mission.  La prise en compte de son état par ses collaborateurs et ces aménagements ne pourront que favoriser sa productivité.

2- Mise à disposition d’une salle de repos décente

Physiologiquement, le corps d’une femme a besoin de repos dès le premier mois de grossesse. Dès lors, il convient de proposer des aménagements simples comme une cabine avec des banquettes pour pouvoir s’allonger au calme lorsque le besoin s’en fait sentir. “On n’est pas obligé d’aller vers des choses complexes ou coûteuses”, rassure Amélie Prevot, “souvent les installations existent déjà et demandent juste à être adaptées. C’est une question de santé publique, de priorité.”

3- Badge “Femme enceinte”

En Angleterre, il est très facile de se procurer un badge “Baby on board” pour les futures mères qui leur permet de s’asseoir sans forcément être à un stade avancé de la grossesse.Une source d’inspiration pour nos transports en commun en France qui faciliterait les déplacements pour se rendre sur son lieu de travail plus sereinement. Judith Aquien insiste : “C’est un moment où on a particulièrement besoin de s’asseoir, presque plus qu’au cinquième mois de grossesse.” Une action supplémentaire qui permet de visibiliser ces premiers mois de grossesse au sein de l’espace public.

Accompagner les premiers mois de grossesse en entreprise : tout le monde y gagne

Lorsqu’une entreprise prend des mesures concrètes en faveur du bien-être de ses employés, cela participe à la valorisation de la marque employeur.

Accompagner les premiers mois de grossesse améliore le taux de présence, réduit l’absentéisme, diminue le turn-over, renforce l’engagement envers l’entreprise, baisse considérablement le nombre d'arrêts maladie… Et une réduction des arrêts maladie entraîne une diminution du coût social. C’est un cercle vertueux.

Judith Aquien est catégorique : “Moins il y a d’éléments toxiques, mieux la société se porte.” Elle prend l’exemple du harcèlement sexuel et remarque que depuis qu’il y a plus d’informations et de sensibilisation sur le sujet, on constate une baisse des comportements déviants et “ça se passe mieux, les gens ont envie de venir de bosser, tout le monde se sent mieux, et fier d’être dans un environnement non toxique”.

Quand l’entreprise joue son rôle social, c’est rassurant pour tout le monde.

La clé pour faire évoluer durablement la société : une prise de conscience collective, non genrée via de la sensibilisation et de l’éducation

Comme tous les sujets sociétaux, la clé d’une évolution collective est la sensibilisation et l’éducation.

Judith Aquien sonde :  “Qui a appris au collège ou à l’école le fonctionnement des règles, des cycles, du corps de la femme ?” Les femmes elles-mêmes ne sont pas informées, préparées. On évalue à 10% à 16% le nombre de femmes qui traversent une dépression en début de grossesse tellement le changement qu’elles vivent est énorme.

Être enceinte commence bien avant d’avoir un très gros ventre. Si la société informait mieux les individus, cela donnerait lieu à moins de discriminations, moins de propos irrespectueux et plus de pédagogie des corps professionnels et médicaux.

Judith Aquien renchérit “On ne sait pas quoi dire à quelqu’un qui a vécu une fausse couche parce qu’on n’a pas appris à le faire. Pareil pour une femme en début de grossesse qui vomit ou est épuisée.”En réalité, cela s’apprend. L’enjeu est bien d’éduquer et d’offrir un espace à chacun pour se saisir de ces sujets.

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